« Je suis franc et sans souci ; Ma foi, je m’en flatte ! Le drapeau que j’ai choisi est rouge écarlate. De mon sang, c’est la couleur qui circule dans mon cœur. Vive la Commune ! Enfants, vive la Commune ! » chantaient les communards de 1871… mais aussi les communardes !
La Commune, c’est quoi ?
La fin de l’année 1870 est marquée par la capitulation française face aux Prussiens dans une guerre qui aboutit à la perte de l’Alsace-Moselle. Dans le même temps, est proclamée la troisième république avec Adolphe Thiers à la présidence. Seulement, une partie de la population parisienne refuse la défaite et continue de se battre malgré un terrible hiver. Après l’armistice, Thiers souhaite désarmer le peuple le 18 mars 1871 mais celui si résiste et se révolte. C’est alors qu’est proclamée la Commune, situation d’insurrection des parisiens contre Versailles où siègent le président et l’Assemblée Nationale. Les forces sont inégales mais l’insurrection tient près de deux mois et demi. Elle s’achève lors de la semaine sanglante, du 21 au 28 mai : les forces versaillaises ont pour ordre d’éliminer purement et simplement les communards à coup d’exécutions sommaires. A la suite de cet épisode se déroulent de nombreux procès qui aboutissent à des condamnations diverses qui vont de la peine de prison à la déportation vers la Nouvelle-Calédonie.
Pendant la Commune, la ville de Paris prend un tout nouveau visage : auto-gestions, clubs, roturiers au pouvoir… Et les femmes commencent elles aussi à s’organiser, à discuter des droits qu’elles voudraient acquérir et pour lesquelles elles sont de plus en plus prêtes à se battre. Les bandes-dessinées publiées chez Vents d’Ouest, avec Lupano au scénario et dessinées par différents artistes nous racontent leur histoire dans trois tomes passionnants.
Pour en savoir un peu plus je vous recommande ce documentaire qui donne une vision d’ensemble des événements.
Les éléphants rouges
Le premier tome, Les éléphants rouges, avec Lucy Mazel au dessin, raconte l’histoire de Victorine et sa mère lors du très rude hiver 1871. C’est cependant dans ce même temps que les deux jeunes femmes commencent à s’engager dans la lutte contre les prussiens, et pour les défaire, la jeune fille pense qu’elle pourrait demander de l’aide à ses amis éléphants du zoo de Paris, à la manière de Hannibal qu’elle a croisé dans un livre. A la manière des adultes les enfants forment des groupes et tentent des petites actions pour montrer leur résistance face aux prussiens. Le dessin de ce premier tome est d’une superbe finesse, notamment dans le traitement des visages. Différents profils de femmes se rencontrent dans ces débuts de mobilisation difficile. En effet les femmes voulant prendre les armes et s’émanciper de leur rôle de mère au foyer ne font pas figure de majorité ce qui implique beaucoup de conflits.
L’aristocrate fantôme
Ces conflits éclatent toujours pendant la Commune, alors même que les femmes s’organisent dans de véritables groupes dont les actions sont dirigées par et pour des femmes, comme le raconte L’aristocrate fantôme avec Anthony Jean au dessin et à la couleur. Nous suivons Élisabeth Dmitrieff, une jeune femme russe envoyée à Paris par Karl Marx qui est alors à Londres. Elle lui sert d’informatrice mais elle prend aussi part à l’insurrection en se posant comme une figure forte de l’Union des Femmes, notamment par ses discours et affiches plaidant pour l’égalité entre les sexes. Sa manière de fonctionner, tout comme ses idées, ne font cependant pas l’unanimité et créent des tensions dans cette Union. Dans le même temps, les Communard-es sont largement mis en difficultés par Versailles jusqu’à ce que les actions de la semaine sanglante soient mises en place. Le dessin est très fin mais de manière bien différente de celui de Lucy Mazel. Il joue beaucoup sur la lumière et les nuances de couleur, ce qui donne à certaines planches l’allure de dessins faits pour être accueillis dans un beau cadre.
Nous ne dirons rien de leurs femelles
Le troisième tome, Nous ne dirons rien de leurs femelles, renoue avec une présentation que je qualifierais de beaucoup plus conventionnelle dans le dessin et la typographie typiquement franco-belge. On y retrouve Xavier Fourquemin au dessin et Anouk Bell à la couleur dont nous pouvons déplorer la disparition en couverture… Dans cette histoire nous suivons Marie, la servante de la famille Jaujard dont le père officiait en Afrique française. Elle est très amie avec Eugénie, sa fille, mais leur destins vont être séparés par une décision du père. La famille quitte Paris sans garder Marie qui intègre les groupes féminins de la Commune où elle laisse toute sa colère s’épancher sur les Versaillais. Nous suivons surtout son procès, comme il y en a eu tant d’autres, lors duquel nous revenons sur des événements passés. Je suis moins enthousiaste quant aux dessins et aux couleurs de cet album, tout comme à sa typographie qui tend à me rappeler celle des bonnes vieilles BD franco-belges à la Gaston Lagaffe, ce qui ne cadre pas tout à fait avec l’ambiance. L’histoire est cependant terrible et passionnante.
Un lien fort : être femmes
Les trois tomes pour l’instant parus (je ne sais pas si d’autres sont prévus) nous dépeignent des destins bien différents les uns des autres mais cependant tous liés par le genre de leurs protagonistes. Malgré leurs différentes provenances sociales ou même géographiques, ces femmes tentent de s’organiser pour participer à la Commune et revendiquer leurs droits. Ce lien qui les unit toutes est très bien symbolisé par différents détails, des personnages, des lieux, qui s’entrecroisent d’albums en albums qui, bien qu’indépendants, se font échos les uns les autres ce qui en rend la lecture encore plus intéressante.
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