Rose de Paris, par Gilles Schlesser et Eric Puech raconte les aventures de Rose à la capitale qu’elle a rejoint en 1925, quittant Quimper, pour devenir «demoiselle du téléphone». Elle emménage avec une collègue, Sidonie, femme extravagante et très «bath» qui aime la fête et les hommes. On suit alors sont parcours dans le Paris des artistes, des femmes et des voyous. Elle y rencontre de grands artistes, l’amour et la frivolité dans un monde nouveau, très différent de sa Bretagne natale.
De nombreux thèmes sont abordés dans ce petit voyage dans les années folles. On y découvre la vie des travailleuses d’après guerre, ici les «demoiselles du téléphone» qui étaient alors chargées de faire les liaisons entre les différentes lignes. Plus généralement cette BD nous raconte la vie des femmes alors en quête ne nouveaux acquis sociaux comme l’égalité des salaires avec plusieurs scènes consacrées aux syndicats et aux projets de lois à ce propos par un gouvernement frileux de garder les femmes hors de leur foyer. Tout ceci se déroule dans le cadre particulier du Paris des artistes, notamment à Montmartre ou Rose et Sidonie se rendent de temps à autre pour boire un verre avec peintres et écrivains. Mais derrière ce luxe et ce raffinement du verbe ou du pinceau, du champagne ou de la coco, se cachent des réseaux de voyous et d’enquêteurs en éternel conflit.
Graphiquement cette BD a parfois des aspects de carnets de croquis mais avant de nous perdre dans ses pages regardons un peu sa couverture qui m’a capturé l’œil quand je me baladais à la librairie. Sur un fond gris aux motifs art déco en filigrane, un macaron révèle le portrait de Rose regardant le lointain, dessiné au crayon gris. Les seules couleurs sont le rouge et le rose qu’on retrouve dans le titre, les fleurs que porte l’héroïne sur son chapeau, ses lèvres et ses joues. Nous ne retrouverons plus ces couleurs dans les pages exclusivement dessinées au crayon gris. Le dessin qui se veut réaliste, est très expressif que ce soit par les visages ou les gestes. Des gros plans sur les visages ou simplement un œil ou une bouche sont souvent utilisés pour souligner des moments de tension. Mais on retrouve aussi des vues plus larges sur la foule et des rues grouillantes de voitures et de passants.
Cette BD est vraiment belle à regarder. Ceux qui comme moi aiment à se perdre dans les vieux carnets et portent de l’affection pour le croquis seront conquis par son style graphique. Rien que le fait de voir l’année de réalisation et la numérotation des planches écrites à la main m’amuse beaucoup. Aussi l’histoire vous porte dans un véritable voyage dans les années folles parisiennes. Vous voguerez ainsi dans différents milieux, des plus riches aux plus pauvres, des plus extravagants aux plus triviaux. Pour une meilleure immersion j’ai accompagné ma lecture de musiques de cette époque, musique que je continue d’écouter à la rédaction de cet article ! Mais plus encore que le Paris de 1925 vous découvrirez aussi les femmes de cette année-là, leur vie de travailleuses que l’État aimerait les renvoyer dans leur foyer. Pour celles et ceux qui s’intéressent au féminisme ce sera aussi l’occasion d’avoir un petit rictus quand il s’agira de la question du salaire ou de l’égalité entre hommes et femmes … Ce qui est très appréciable d’ailleurs c’est que ces moments de luttes ou de prise de conscience ne sont pas prépondérants et ne prennent pas le pas sur l’histoire qui n’est pas centrée sur cet élément mais sur Rose. Ainsi nous vivons ces moments de lutte au travers des yeux d’une nouvelle venue qui a alors tout à apprendre. C’est en somme une sorte de roman (graphique !) d’apprentissage. Parlant de roman vous découvrirez quelques grands noms de plume ou de pinceau de cette époque et aurez peut-être comme moi envie d’en savoir plus sur eux.
Mais quelques petits détails m’ont tout de même picoté un peu. Je trouve cela dommage par exemples qu’on oppose sempiternellement la femme qui couche à tire-larigot et celle qui préfère n’avoir qu’une relation à la fois, être “posée” en somme. Ce qui m’a gênée surtout c’est le moment où elles s’opposent sur leur vision de la liberté ou de la libération en tant que femmes et que, je trouve, on présente Sidonie qui est plus extravagante, comme celle qui fait mal les choses. Même si c’est peu présent, ça m’a fait tiquer. Aussi je trouve que cette histoire est très blanche. Je ne sais pas si on peut parler de whitewashing mais très peu de minorités sont représentées si ce ne sont les noirs au Bal Nègre. Je ne connais pas en détails cette période en France mais il me semble qu’il n’y avait pas que des blancs et que les racisé-es faisaient autre chose qu’amuser la galerie au bal.
Mais ce ne sont que des petits détails dans une BD qui est globalement excellente ! J’essaye toujours de pointer ce genre de problèmes histoire de toujours garder un regard critique sur ce que je lis.
Fiona
13 juin 2016Sympa, je ne connaissais pas 🙂